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sur coup, avec un ensemble assez saisissant, les trois principaux
quotidiens nationaux français se sont fait l'écho de propos purement et
simplement faux et profondément diffamatoires à l'égard d'un groupe de
chercheurs dont je fais partie. L'article du Monde parle de « virulente
passe d'armes » : il ne se contente pas de citer (d'ailleurs de manière
incomplète) les chercheurs impliqués, il prend lui-même, sans doute en
raison des compétences de chercheur du journaliste, une position
virulente à notre égard. Il affirme ainsi qu'une note « très
embarrassante » pour nous a disparu de la version définitive du
commentaire et accuse le rédacteur [ou « éditeur »> de la revue de
complaisance à notre égard.
[La « note ajoutée aux épreuves »
en question, dont le retrait est avéré, révélait que deux des quatre
données présentées sur un graphique ne sont pas ce que M. Courtillot et
ses coauteurs prétendent qu'elles sont. Le Monde ne portait pas
d'accusation, mais faisait état des soupçons, publiquement formulés
dans la communauté scientifique, sur la neutralité de l'éditeur de la
revue EPSL dans cette affaire, vu ses liens (chercheur affilié) avec
l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), dirigé par M.
Courtillot. >
Le journaliste croit pouvoir affirmer, sous son bonnet, que nous n'en sommes « pas à (nos) premières erreurs ».
[Le
Monde (dans son édition du 15 mars 2007) avait relevé une erreur de
calcul de l'un des coauteurs de M. Courtillot, commise lors d'une
séance publique de l'Académie des sciences, tenue le 13 mars 2007.
Cette erreur consistait en une confusion entre la surface d'une sphère
et celle d'un disque. Aucune demande de rectificatif n'est parvenue au
Monde à ce propos.>
Il termine sur un amalgame avec Claude
Allègre, qui est totalement étranger à ces travaux, et une phrase
particulièrement infâme évoquant le fait que comme directeur de la
recherche du ministère j'étais « en mesure de peser sur les enveloppes
budgétaires des laboratoires publics ».
[Cette phrase s'insérait
dans un paragraphe dont l'objet était de mettre en perspective la
polémique entre scientifiques, décrivant celle-ci comme « à la mesure
de l'envergure de M. Courtillot ». Le même paragraphe précisait que
l'intéressé est « un scientifique de renommée mondiale dans sa
discipline ».>
On ne peut guère imaginer plus graves
accusations à l'encontre de chercheurs. J'adresse au Monde, au nom de
mes collègues incriminés, Jean-Louis Le Mouël, Yves Gallet et Frédéric
Fluteau, le démenti le plus cinglant. Quelle est donc notre
contribution ? Nous pensons avoir apporté des observations nouvelles et
originales, plus convaincantes qu'auparavant, d'un lien probable entre
variations du champ magnétique terrestre et irradiance solaire (énergie
lumineuse en provenance du soleil) et d'un lien possible avec la
température moyenne du globe. [M. Courtillot réitère ici l'erreur
commise dans son article : bien que présentée comme telle, la donnée
utilisée dans son travail n'est pas la température moyenne du globe
mais la température moyenne continentale de l'hémisphère nord restreint
au nord du 20e parallèle, mesurée entre avril et septembre. D'un point
de vue statistique, cette donnée ne représente donc qu'une petite
fraction de la température moyenne du globe (mesurée en toute saison,
sur l'ensemble des deux hémisphères, etc.)]
Ce lien se perdrait
vers les années 1980, où émergerait un réchauffement anormal, attribué
généralement aux gaz à effet de serre.
[Ces travaux ont pourtant
été utilisés au cours du débat public organisé à l'Académie des
sciences en mars 2007, pour appuyer l'idée que les activités humaines
ne sont pas la cause principale des changements climatiques actuels.]
Spécialistes
du magnétisme, nous pensons apporter des observations magnétiques
nouvelles et non contestées sur les relations entre magnétisme
terrestre et activité solaire, et des suggestions sur le débat général
sur le réchauffement climatique. Mais cela est un débat de nature
scientifique et par essence discutable. Ce qui n'est pas acceptable,
c'est la dérive du débat scientifique vers la calomnie pure et simple.
Il semble que la source principale des « informations » dont fait état
Le Monde ait été le blog d'un chercheur américain, Raymond
Pierrehumbert.
[RealClimate est un blog collectif tenu par un comité éditorial d'une dizaine de climatologues, la plupart de premier rang.]
La
date choisie pour la publication de cet « article » a été celle de la
mise en ligne sur le site de la revue Earth and Planetary Science
Letters ( EPSL) d'un commentaire d'Edouard Bard et de Gilles Delaygue.
Ceux-ci critiquaient la note scientifique que nous avions publiée dans
la même revue, au début de 2007. En même temps que le commentaire
critique était mise en ligne notre réponse à ce commentaire, y
répondant point par point. Il n'y a pas lieu de commenter ici plus
avant le contenu scientifique des commentaires critiques et de nos
réponses. Les lecteurs intéressés pourront se reporter à la revue EPSL.
Mais les articles de quotidiens et le blog de M. Pierrehumbert
formulent des accusations graves, mensongères et démontrablement
fausses. Notons que Le Monde n'a pratiqué aucune vérification des
allégations dont il se faisait l'écho.
[Le Monde a tenté de
joindre M. Courtillot avant publication, et a lourdement insisté à
cette fin auprès du service de la communication de l'IPGP. Aucun organe
de la presse française ayant également couvert cette affaire (Le
Figaro, Libération, 20 Minutes et l'AFP) n'est parvenu à joindre M.
Courtillot.]
Sans trop rentrer dans les détails techniques, il
nous a été reproché d'avoir utilisé des données dont les références
n'étaient pas ce que nous disions.
[Deux des quatre données
utilisées sur un graphique ne sont en effet pas ce que les auteurs
affirment. C'est vrai pour ce qui est présenté comme la température
globale (voir ci-dessus) ; c'est également vrai pour ce qui est affiché
comme l'irradiance solaire totale (ou éclairement), et qui est en
réalité une courbe de variation de sa composante ultraviolette.]
Notamment
une série de données que nous attribuions à un chercheur britannique,
M. Jones, n'était pas reconnue par ce chercheur comme provenant de lui.
Nous avons établi que ce chercheur faisait erreur et que les données
étaient bien les siennes et que nous n'avions en rien altéré ses
données.
[Le Monde n'a abordé que les aspects portant sur la
nature des données utilisées par M. Courtillot et n'a pas évoqué
d'éventuelles confusions sur leur paternité.]
Nous les
attribuions en revanche par erreur à tout un hémisphère de la Terre
alors qu'elles étaient en fait réduites à la zone de latitudes allant
de 20°N au pôle.
[Plus haut, M. Courtillot assure que ses
travaux exhibent des corrélations entre le géomagnétisme, l'irradiance
solaire et la température moyenne globale, c'est-à-dire celle des deux
hémisphères. Il admet ici qu'il a commis une erreur mais limite cette
erreur à « tout un hémisphère » alors qu'il a attribué les données en
question aux deux hémisphères.]
Cette confusion résulte
principalement d'un manque de clarté des légendes des articles de Jones
et de ses coauteurs, mais surtout, et c'est le plus important pour le
débat scientifique, elle est sans conséquences sur nos conclusions, les
diverses séries de données concernées étant peu différentes, comme il
est aisé de le vérifier.
[Cette affirmation n'aura de valeur qu'une fois publiée dans une revue à comité de lecture.]
Dans
la note évoquée par Le Monde, MM. Bard et Delaygue nous ont accusés de
fausse citation, en arguant du témoignage (erroné) de Jones.
[La
« note ajoutée aux épreuves » de MM. Bard et Delaygue mettait surtout
en cause l'utilisation de données présentées comme ce qu'elles ne sont
pas, ce qui est avéré. Le Monde n'a pas évoqué les confusions autour de
la paternité de données.]
Cette note était donc pour le moins
mal venue, et il est tout de même étonnant que son retrait, décidé par
le rédacteur d' EPSL, ait été utilisé pour nous porter des accusations
injustifiables. Puisque le journaliste met en doute le bien-fondé de la
suppression de la note, disons de plus qu'elle avait été ajoutée sur le
site électronique d' EPSL par MM. Bard et Delaygue après acceptation de
leur commentaire et de notre réponse, et donc sans l'autorisation du
rédacteur, une pratique très contestable, que je laisse le rédacteur
commenter plus avant. Et puisque nous sommes apparemment entrés dans la
civilisation du blog, citons celui que Stephen McIntyre
(www.climateaudit.org) oppose à M. Pierrehumbert (nous ne connaissions
au préalable et n'avions de lien avec aucun de ces deux chercheurs) et
qui confirme jusque dans le détail ce que nous disons ci-dessus et que
nous exprimions dans notre propre réponse au rédacteur d' EPSL.
[Le
blog en question, tenu par un ancien cadre de l'industrie minière
américaine, ne traite que le débat portant sur la paternité des
données, point qui n'est pas abordé dans l'article du Monde. L'auteur
du blog conclut ainsi : « J'ai seulement discuté la comédie des mesures
de températures. Je ne me suis pas penché sur les problèmes de
corrélation, de données magnétiques ou solaires. »]
Je
terminerai avec les insinuations odieuses du Monde sur le fait que
j'étais en mesure de « peser sur les enveloppes budgétaires »... [Voir
ci-dessus.] Tous ceux qui se souviennent des huit années où j'ai occupé
ces postes sous l'autorité de Lionel Jospin, de Jack Lang, de Claude
Allègre et de Roger-Gérard Schwartzenberg en gardent, je crois, le
souvenir d'une période assez exceptionnelle en matière de soutien à
l'enseignement supérieur et à la recherche en France.
Vincent Courtillot